DIDEROT (1752)
Denis Diderot, s.v. “Calomnie”, in Ouvres complètes de Diderot. Encyclopédie, Paris 1875-1877
Les Athéniens révèrent la Calomnie; Apelle, le peintre le plus fameux de l'antiquité, en fit un tableau, dont la composition suffirait seule pour justifier l'admiration de son siècle: on y voyait la Crédulité avec de longues oreilles, tendant les mains à la Calomnie qui alloit à sa rencontre: la Crédulité était accompagnée de l'Ignorance et du Soupçon; l'Ignorance était representée sous la figure d'une femme aveugle: le Soupçon, sous la figure d'un homme agité d'une inquiétude secrète, et s'applaudissant tacitement de quelque découverte. La Calomnie, au regard farouche, occupait le milieu du tableau: elle secouait une torche de la main gauche, et de la droite elle trainait par les cheveux l'Innocence sous la figure d'un enfant qui semblait prendre le ciel à temoin: l'Envie la précédait, l'Envie sous les yeux perçant et au visage pâle et maigre: elle était suivie de l'Embuche et de la Flatterie: à une distance qui permettait encore de discerner les objects, on apercevait la Verité qui s'avançait lentement sur les pas de la Calomnie, conduisant le Repentir en habit lugubre. Quelle peinture! Les Atheniens eussent bien fait d'abbatre la statue qu'ils avaient élevée à Calomnie et de mettre à sa place le tableau d'Apelle.